Chana de Moura : l'art au service de l'écologie
Chana de Moura est une artiste plasticienne et chercheure née en 1989 au Brésil. Illustratrice du Mandala Lunaire depuis sa création, les inspirations artistiques de Chana sont au croisement de l’écologie, de la philosophie et de la fiction.
Elle partage sa connexion à la nature et au sacré, deux des thèmes principaux du livre, dans le deuxième portrait de notre série sur les femmes du Mandala Lunaire.
En tant qu’illustratrice principale de Mandala Lunar depuis presque huit ans, où puises-tu tes inspirations?
Je m’inspire des mondes, des peuples et des êtres égarés, des animaux aux minéraux, en passant par les végétaux, les écosystèmes et les peuples autochtones. Tous ceux qui ne sont plus de ce monde mais qui, d’une manière ou d’une autre, ont travaillé de concert pour que nous puissions en être. Mon art est également influencé par une approche alternative de la vie en collectivité et par la pensée anti-anthropocentrique au-delà de la philosophie des Lumières.
Que souhaites-tu transmettre aux lectrices à travers ton art?
J’essaye de montrer que notre réalité, notre relation avec nous-même et avec notre environnement peut évoluer malgré nos conditionnements. Il y a tant à faire. Nous devons sortir de nos modes de vie non durables, réformer le système capitaliste post colonial dans lequel nous vivons, respecter les peuples autochtones et leurs territoires. Et surtout, éviter le cynisme, qui renforce le système en place, et continuer à incarner le changement que nous voulons voir.
Pour cela, je crois que nous devons collectivement renouveler notre foi dans le sacré et sacraliser les choses non humaines qui nous sont associées. Par exemple, protéger l’existence des êtres vivants et des milieux naturels en leur octroyant des droits. Cela rejoint l’idée du “Parlement des Choses” développée par Bruno Latour (sociologue, anthropologue, théologien et philosophe des sciences), au sein duquel les êtres inanimés pourraient être représentés politiquement.
Qu'est-ce que le Mandala représente pour toi et que t’a t’il apporté ?
Le Mandala est pour moi comme un portail : il y avait tant d’aspects de moi-même que j’ignorais avant de l’utiliser et que j’ai pu identifier comme faisant partie de moi, de mon cycle menstruel. En comprenant les subtilités propres à celle de l’animal complexe que je suis – et qui saigne tous les mois -, je suis devenue beaucoup plus patiente, attentionnée et empathique. Oui, je pense que c’est la prise de conscience la plus importante que le Mandala m’a apportée, ce besoin de développer davantage d’empathie envers moi-même.
La nature est omniprésente dans tes créations. Toi qui as vécu au Brésil et en Europe, constates-tu des différences dans la manière dont ces peuples vivent leur lien avec l’environnement?
D’une manière générale, je constate que les européens envisagent la nature différemment du peuple brésilien. Comme je viens d’une petite ville, ma vie a longtemps été rythmée par la nature et les êtres qui l’habitent. Au Brésil, la nature peut être intense, parfois même étouffante. Je suis convaincue que la spécificité de la biodiversité rend l’expérience de la nature très différente d’une région à une autre, comme cela peut être le cas en Europe.
Par exemple, en Allemagne, où je vis actuellement, il est facile de connaître les espèces présentes dans les forêts, pour la plupart domestiques, et de savoir à quel point elles peuvent être dangereuses. Au Brésil, la diversité d’espèces animale et végétale est si grande qu’il faut être beaucoup plus conscient de ce qui nous entoure car les possibilités d’incidents sont plus grandes. Mais j’aime cela. Cela m’apporte un grand sentiment d’humilité.
Si tu avais un message à adresser au monde, quel serait-il?
Honorez vos ancêtres, humains ou non. C’est ce réseau si sophistiqué de relations interconnectées qui a rendu la vie sur Terre possible. De nombreux êtres ont ouvert l’espace pour nous sur une planète aussi abondante que la Terre. Alors protégeons-la, pour nous permettre, ainsi qu’à tous les êtres humains et autres formes de vies qui nous succéderont, d’y vivre sereinement. La lutte pour la préservation de la Nature est aujourd´hui la mère de toutes les batailles.
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